FOCUS : Refinancer la justice, une priorité ?
Depuis la dernière crise financière, les États européens ont dû faire des économies et la justice n’a pas été épargnée. Bâtiments insalubres, matériels informatiques hors d’âge, arriérés judiciaires…
Le sous-financement de la justice est flagrant. Malgré les crises, le politique n’a cessé d’investir massivement : soutien du pouvoir d’achat, relance économique, transition climatique, etc. Alors pourquoi la justice est-elle laissée à l’abandon ?
Pour Pascale Monteiro Barreto – Présidente de l’Association Syndicale des Magistrats -, la réponse est claire, « la justice ce n’est pas rentable politiquement » !
Pourquoi les politiques ne prennent-ils pas ce sujet à bras le corps ?
Quand un des piliers de notre démocratie s’effrite (sans mauvais jeu de mots quand on voit l’état des sols du palais de justice de Bruxelles), ne doit-on pas le réparer plutôt que de mettre des échafaudages ?
La justice, un pilier de notre démocratie.
La séparation des pouvoirs est un principe fondamental des démocraties représentatives. Dans tout régime démocratique, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont exercés par des instances différentes. Cette séparation permet à chaque pouvoir de contrôler et de limiter les autres. Telle était l’idée développée par Montesquieu dans son ouvrage « De l’esprit des lois ».
Petit rappel pour ton examen de droit ou de sciences politiques :
- Le pouvoir législatif légifère, c’est-à-dire qu’il fait les lois. Les élus votent des lois et ces lois entrent dans l’ordre juridique d’un État. Le pouvoir législatif contrôle également le pouvoir exécutif. En Belgique, il est exercé par le Parlement et le Roi.
- Le pouvoir exécutif exécute les lois et leur donne une effectivité. Il est exercé par le Roi et le Gouvernement.
- Le pouvoir judiciaire assure que les droits et libertés garantis par les lois soient respectés. Il est exercé par les cours et les tribunaux. Lorsqu’un ou plusieurs de ces pouvoirs dysfonctionnent, la démocratie est mise à mal et menacée. A ces questions, une seule réponse : la maladie du « court termisme”.
Les partis traditionnels, pris dans le jeu des extrêmes, ne semblent aujourd’hui ne plus savoir répondre aux problèmes des citoyens qu’en leur promettant des changements rapides. Or, certains changements sont si importants et complexes que leurs effets ne pourront être escomptés que dans plusieurs décennies. Par exemple, comment l’arriéré judiciaire pourrait-il être résorbé dans cinq ans quand on sait que cet arriéré est de cinq à sept ans ?
Le temps de le combler prendra au mieux le double d’années. Rappelons que ces vingt dernières années, la Belgique a été condamnée plus d’une centaine fois par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation du droit à un procès équitable, notamment pour le non-respect du délai raisonnable.
La Belgique à la traîne : La Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) pointe l’inefficacité de la justice belge. Selon son dernier rapport, le pourcentage du PIB investi en Belgique dans la justice est de 0,22 %, un chiffre en deçà de la moyenne des pays du Conseil de l’Europe, établie à 0,30 % du PIB. De plus, le nombre de juges professionnels par rapport à la population est à nouveau plus bas en Belgique que la moyenne européenne. Selon Pierre Sculier – Président de l’ordre des barreaux francophones et germanophones – la Belgique compte 13,2 juges pour 100.000 habitants contre 17,6 de moyenne dans les pays du Conseil de l’Europe.
Les partis traditionnels, ne semblent plus savoir répondre aux problèmes des citoyens qu’en leur promettant des changements rapides.
Des investissements indispensables :
Pour DéFI Jeunes, il est primordial de faire dès à présent des investissements massifs dans la justice afin de :
- Réduire l’arriéré judiciaire.
Aujourd’hui certaines affaires sont jugées de nombreuses années après les faits. Pour les citoyens, cette attente interminable est au mieux indécente, au pire un échec criant de notre état de droit. Ce sentiment d’injustice génère de la colère au sein de la population. Elle considère de plus en plus que l’État ne protège pas et ne garantit plus leur droit.
DéFI Jeunes encourage les gouvernements à engager de nouveaux magistrats et du personnel pour réduire cet arriéré judiciaire.
- D’améliorer le financement et l’efficacité de la justice.
Avec la numérisation, la justice pourrait être plus efficace dans le traitement des dossiers. Si certaines choses ont déjà été faites (traitements des dossiers via des plateformes digitales, dossiers de pièces digitaux, etc.), des améliorations peuvent encore être réalisées. De plus, certaines procédures et disparités entre régions et circonscriptions judiciaires rendent la charge administrative lourde et inefficace. L’investissement dans de nouveaux bâtiments ou de nouvelles structures pénitentiaires sont également nécessaires. Pour qu’une justice fonctionne, elle doit être soucieuse de sa propre maison. Si DéFI Jeunes reconnaît les efforts qui ont été faits dans la construction de nouveaux palais de justice à Mons et à Liège par exemple, des efforts restent encore à faire notamment à des niveaux plus proches des citoyens comme la justice de paix. - D’améliorer le système carcéral
Il est également primordial d’investir dans la réhabilitation des milieux carcéraux. Actuellement, les conditions de détention (surpopulation, promiscuité, trafic, etc.) sont propices à la récidive. Cette situation rend la justice purement et simplement inefficace. Si la justice a comme rôle de réprimander les infractions, l’État a le devoir de garantir la réintégration des condamnés dans la société. Or le cadre actuel ne la permet pas.
DéFI Jeunes fustige cette situation et prône la création de prisons plus à même de répondre aux besoins de réinsertions des détenus.
- De créer un parquet financier.
Pour DéFI Jeunes, la criminalité financière est une injustice qui n’est pas traitée à sa juste valeur. En effet, avec la société mondialisée, ce sont souvent des dizaines de millions d’euros qui échappent à l’impôt et ainsi ne bénéficient pas à l’État.
La création d’un parquet spécialisé dans la traque de la grande délinquance économique et financière permettrait à l’État de récupérer des sommes d’argent considérables et ainsi de réduire cette injustice. Il est temps de créer un parquet qui traitera cette criminalité en col blanc.
SÉBASTIEN WILLEMS vice-président DéFI Jeunes